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Radioscopie d'un système: Objectifs et fonctionnement de la Françafrique

Dernière mise à jour : 2 janv. 2021


L’objectif de la politique française en Afrique est d’une part de maintenir un contrôle politique sur les Etats africains francophones pour justifier le rang international de la France comme puissance mondiale, notamment à l’ONU, et d’autre part d’entretenir l’exploitation quasi monopolistique des richesses de ces mêmes Etats au profit des intérêts français.


Cette politique s’exprime par un soutien sans faille à des dictatures inféodées à Paris dont la mission est d’abord d’interdire un développement démocratique des pays africains dans la mesure où celui-ci pourrait remettre en cause le pouvoir et la pax franca qui en est la source, et ensuite de sécuriser la chasse gardée et les investissements français en écartant toute possibilité de réelle concurrence internationale dans ces économies. (cf. Les servitudes du Pacte colonial, de Mamadou Koulibaly, paru aux Nouvelles Editions Ivoiriennes)


L’autre pilier de cette politique est un système d’exploitation des économies africaines au profit d’une nébuleuse politico-économique communément appelée « Françafrique ». Celle-ci rassemble d’un côté une poignée de groupes français disposant de positions hégémoniques voire monopolistiques dues à leurs relationnels politiques et non comme résultat d’une supériorité de leurs offres après une libre confrontation à la concurrence internationale. De l’autre, elle est composée d’un magma de réseaux qui trustent des « contrats d’assistance technique » plus ou moins réels ou pertinents et participent de façon active à la fuite des capitaux pour le compte des élites locales, au financement occulte des partis politiques français et à leur enrichissement personnel (cf. Affaire Elf).


Le maintien de ce procédé de domination néocolonial explique la passion française pour les changements de régimes (Burkina Faso), les élections truquées (Centrafrique, Togo), les rebellions préfabriquées (Côte d’Ivoire) en Afrique, afin de mettre hors d’état de nuire tout individu ou groupe menaçant d’affaiblir le système (Olympio, Sankara, Kérékou, Gbagbo…)


Socialisation du financement


Face au coût croissant qu’implique cette politique, la Françafrique a opté depuis plusieurs années pour une stratégie de privatisation des gains générés par le système et de mutualisation du coût de sa perpétuation.


Ainsi, l’aide qui sert à maintenir les élites vassales au pouvoir (quand elle est mal utilisée) et à leur donner un minimum de légitimité (quand elle est bien utilisée), est effectivement payée par tous les contribuables français et africains, mais seuls les membres – entreprises et particuliers – de la nébuleuse jouissent de toutes les retombées positives du fonctionnement du système.


De même, la stratégie qui consiste à instrumentaliser l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Union Européenne (UE) et même la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Africaine (UA), permet à l’Hexagone de répartir le coût financier, militaire et diplomatique de sa politique sur des contribuables internationaux, alors que les bénéfices restent, eux, fermement en France. Ainsi, Paris a besoin d’au moins 10 000 hommes en Côte d’Ivoire pour atteindre ses fins, mais en faisant intervenir l’ONU, elle évite le coût financier, diplomatique et humain d’une telle force en faisant supporter 6 000 hommes par le contribuable international. En cas de renversement du régime Gbagbo, il est certain que ce même contribuable ne profitera d’aucune retombée et que l’ascenseur renvoyé par un nouveau pouvoir ivoirien ira directement et en totalité à Paris.


Résistance ivoirienne


Grain de sable dans cette machine rôdée depuis des décennies, la victoire de Laurent Gbagbo aux élections organisées en 2000 dans le pays phare du système, la Côte d’Ivoire et qui remet ostensiblement en cause les mécanismes d’exploitation de son pays par la France. Sa survie politique est due à l’irruption imprévue sur la scène d’un peuple qu’une gestion paternaliste et clientéliste avait cru pouvoir contenir indéfiniment hors du champ politique. Mais l’existence en Côte d’Ivoire d’une réelle classe moyenne, instruite, organisée, jeune et ouverte sur le monde a entraîné un grand pan du peuple ivoirien à prendre en main son propre destin. En basculant dans l’arène et en maintenant le cap de la Résistance contre vents et marées, le peuple ivoirien a tout à la fois sauvé Laurent Gbagbo et montrer la voie au reste de l’Afrique francophone.


Vision primitive et tronquée


Le malaise reflété par les médias hexagonaux face aux grotesques manœuvres françaises au Togo et en Côte d’Ivoire découle plus du dépit que d’un questionnement concret de la politique française en Afrique, dont le désengagement relève d’une rhétorique de relations publiques et non d’une quelconque réalité. En effet, l’axiome de ces médias demeure que la France ne peut avoir qu’un rôle positif en Afrique, parce que sa politique sur ce continent est basée sur la promotion de l’Etat de droit, de la démocratie et est mue par l’altruisme et la compassion pour ces « pauvres Africains » qu’elle s’échine à aider. Quand l’évidence ne cadre pas avec ce principe, il ne s’agit pour la presse française que d’erreurs faites par des exécutants maladroits et non d’une mauvaise politique.


Tant que cette vision infantilisante et manifestement ignorante des faits sera véhiculée, le lecteur occidental continuera à ne pas être informé de façon exhaustive et honnête. Une réelle remise en question de la politique française en Afrique doit donc commencer par une description claire de ses objectifs et son fonctionnement.


Nathalie Yamb in Le Messager, 14/06/2005

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